
J’avoue ressentir une forme d’ahurissement alors que des polémiques naissent ça et là sur les réseaux sociaux autour de la proposition #JeDonneMesRTT.
Car enfin, de quoi parle-t-on ? D’un élargissement de la loi sur les dons volontaires de RTT afin qu’ils puissent s’effectuer entre entreprises et non plus seulement entre collaborateurs d’une même société et qu’ainsi ils soient en mesure d’être cédés aux soignants. Mieux, ces dons doivent pouvoir être monétisés, c’est-à-dire valorisés en euros sonnants et trébuchants, afin de se convertir en pouvoir d’achat, toujours au bénéfice desdits professionnels de santé dont nul n’ignore les trop maigres niveaux de rémunération
Il n’y a a priori guère ni matière ni territoire à polémique. En tous cas pas plus que de faire des dons aux Restos du cœur, dons défiscalisés, lesquels pallient des carences de l’aide sociale publique. Pas plus que de soutenir la recherche par des contributions privées alors que nous partageons tous la conviction que l’impôt devrait alimenter à la juste hauteur des enjeux les progrès de la science. C’est le sens même de la solidarité que de secourir là où il y a des défaillances, là où la protection universelle d’une société abandonne des personnes à leur détresse individuelle. C’est l’honneur même de la solidarité que de faire fi de ses dogmatismes, de ses opinons, de ses parti-pris, d’y mettre de saines parenthèses pour poser des actes déshabillés de toute doctrine.
La twittosphère - enfin une partie, faible mais bruyante – s’est déchaînée. Alors allons-y.
« Les actionnaires qui s’en mettent plein les poches avec leurs dividendes » n’ont qu’à payer. De fait le silence et l’inaction de certains relèvent de l’affront social. Et ? Cela remet-il en cause nos engagements propres ?
« A l’hôpital, il faut embaucher d'abord, et massivement ... ». Oui. Et ? Militons, votons, utilisons les outils que nous avons toutes et tous pour faire changer cela. Les taux d’abstention lors des derniers scrutins m’incitent tout de même à penser qu’au lieu de jouer crânement les donneurs de leçons sur Twitter bien planqués derrière leur smartphone, certains devraient répondre présent lorsqu’ils ont la possibilité de s’exprimer démocratiquement, au lieu de se complaire dans une logorrhée stérile et auto -satisfaite.
« Rétablir l’ISF, qui est un impôt de solidarité ». Why not ? Et ? Cela m’exonère-t-il de toute générosité personnelle ? Dois-je vraiment renoncer à donner puisque tant, riches pourtant, ne donnent pas ? Fait-on société avec de tels raisonnements ?
Chaque humain est une cathédrale, une cathédrale bien plus élevée, bien plus précieuse, bien plus majestueuse, bien plus urgente que toutes les Notre-Dame du monde réunies. Les soignants tiennent chacun de nos édifices. Même quand cela n’est inspiré ni par le dévouement, ni par la vocation, ni par l’abnégation, il n’en demeure pas moins qu’ils vont au front. Qu’ils se battent pendant que certains palabrent sur la moralité de telle ou telle proposition.